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Platon Allégorie de la Caverne |
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Maintenant
représente toi de la façon que voici l'état de notre nature
relativement à l'instruction et à l'ignorance. Voilà,
s'écria Glaucon, un étrange tableau et d'étranges prisonniers. Ils
nous ressemblent; et d'abord, penses-tu que dans une telle situation ils
aient jamais vu autre chose d'eux mêmes et de leurs voisins que les
ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face
? Et
comment, observa Glaucon, s'ils sont forcées de rester la tête immobile
durant toute leur vie ? Et
pour les objets qui défilent, n'en est-il pas de même ? Sans
contredit. Si
donc ils pouvaient s'entretenir ensemble ne penses-tu pas qu'ils
prendraient pour des objets réels les ombres qu'ils verraient ? Il
y a nécessité. Et
si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l'un des
porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l'ombre qui
passerait devant eux ? Non,
par Zeus ! Assurément
de tels hommes n'attribueront de réalité qu'aux ombres des objets
fabriqués. Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on
les délivre de leurs chaines et qu'on les guérisse de leur ignorance.
Qu'on détache l'un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser immédiatement,
à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en
faisant tous ces mouvements, il souffrira et l'éblouissement l'empêchera
de distinguer ces objets dont tout à l'heure il voyait les ombres. Que
crois-tu donc qu'il répondra si quelqu'un lui vient dire qu'il n'a Assurément
! Et
si on l'arrache de sa caverne par force, qu'on lui fasse gravir la montée
rude et escarpée, et qu'on ne le lâche pas avant de l'avoir trainé
jusqu'à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se
plaindra-t-il pas de ces violences? Et lorsqu'il sera parvenu à la lumière,
pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule
des choses que maintenant nous appelons vraies ? Il
ne le pourra pas, du moins dès l'abord. Il
aura je pense besoin d'habitude pour voir les objets de la région supérieure.
D'abord, ce seront les ombres qu'il distinguera le plus facilement, puis
les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les
eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après celà, il pourra, affrontant
la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la
nuit les corps célestes et le ciel lui même, que pendant le jour le
soleil et sa lumière. Nécessairement
! Après
celà, il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c'est lui qui
fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible,
et qui, d'une certaine manière est la cause de tout ce qu'il voyait avec
ses compagnons dans la caverne. Or donc, se souvenant de sa première
demeure, de la sagesse que l'on y professe, et de ceux qui furent ses
compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu'il se réjouira du changement
et plaindra ces derniers? Si,
certes. Et
s'ils se décernaient entre eux louanges et honneurs, s'ils avaient des récompenses
pour celui qui saisissait de l'oeil le plus vif le passage des ombres, qui
se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières
ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus
habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux
de ces distinctions, et qu'il portât envie à ceux qui, parmi les
prisonniers, sont honorés et puissants? Ou bien comme ce héros d'Homère,
ne préféra-t-il pas mille fois n'être qu'un valet de charrue, au Je
suis de ton avis, dit Glaucon, il préfèrera tout souffrir plutôt que de
vivre de cette façon là. Imagine
encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s'asseoir à son
ancienne place : n'aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en
venant brusquement du plein soleil? Et s'il lui faut entrer de nouveau en
copétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n'ont point
quitté leurs chaines, dans le moment où sa vue est encore confuse et
avant que ses yeux ne se soient remis (or l'accoutumance à l'obscurité
demandera un temps assez long), n'apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens,
et ne diront-ils pas qu'étant allé là-haut, il en est revenu Sans
aucun doute. Maintenant,
mon cher Glaucon, il faut appliquer point par point cette image à ce que
nous avons dit plus haut, comparer le monde que nous découvre la vue au séjour
de la prison et la lumière du feu qui l'éclaire, à la puissance du
soleil. Quant à la montée dans la région supérieure et à la
contemplation de ses objets, si tu la considères comme l'ascension de l'âme
vers le lieu intelligible, tu ne te tromperas pas sur ma pensée, puisque
aussi bien tu désires la connaitres. Dieu sait si elle est vraie. Pour
moi, telle est mon opinion : dans le monde intelligible, l'idée du bien
est perçue la dernière et avec peine, mais on ne la peut percevoir sans
conclure qu'elle est la cause de tout ce qu'il y a de droit et de beau en
toutes choses; qu'elle a, dans le monde visible, engendré la lumière et
le souverain de la lumière; que dans le monde intelligible, c'est elle-même
qui est souveraine et dispense la vérité et l'intelligence; et qu'il
faut la voir pour se conduire avec sagesse dans la vie privée et dans la
vie publique. Je
partage ton opinion, autant que je le puis. Eh
bien ! partage là encore sur ce point, et ne t'étonne pas que ceux qui
se sont élevés à ces hauteurs ne veuillent plus s'occuper des affaires
humaines, et que leurs âmes aspirent sans cesse à demeurer là-haut.
Mais quoi, penses- tu qu'il soit étonnant qu'un homme qui passe des
contemplations divines aux misérables choses humaines ait mauvaise grâce
et paraisse tout à fait ridicule, lorsque, ayant encore la vue troublée
et n'étant pas suffisamment accoutumé aux ténèbres environnantes, il
est obligé d'entrer en dispute, devant les tribunaux ou ailleurs, sur des |